dimanche 18 novembre 2007

Mon père (2ème partie)

Note: Cette semaine, j'examine la complexe et parfois difficile relation que j'ai avec mon père. Afin d'y parvenir, il faut comprendre le vécu de ce dernier. Pour que tout ceci ait un certain sens, je vous invite à d'abord lire la première partie.

Mon grand-père n'a évidemment pas survécu à son suicide assisté par les Russes. Lui aussi, j'ai essayé de le comprendre sans le juger.

Depuis des années, il avait été forcé de se battre, à endurer les horreurs de la guerre, pour une cause en laquelle il ne croyait même pas, cause qu'il savait d'ailleurs perdu d'avance.

Lorsqu'il a cru sa famille décimée dans le bombardement de ce train, a-t'il éprouvé un profond désespoir ? Un certain sentiment de libération ?

Toujours en est-il que le concept même de me suicider sous les yeux de mon fils aîné, même de façon pseudo-héroïque, m'a toujours laissé un goût amer dans la bouche...

Bon! Je n'ai pas connu cet homme. Je n'ai aucune idée de ce qui a bien pu lui traverser l'esprit lorsqu'il a pris la décision fatidique de sortir de sa tranchée.

Mon oncle a été capturé lors de cette bataille et fait prisonnier de guerre. Ce n'est qu'après l'Armistice, lorsqu'il a été libéré, qu'il a appris la vérité: Lors d'un arrêt à une gare, tous les civils ont été transférés dans un autre train. Celui qui a été bombardé ne transportait que du personnel militaire ! La famille était saine et sauve !

Mais elle était dispersée...

Les réfugiés hongrois avaient été transportés en Allemagne et ma grand-mère n'a eu d'autre choix que de placer tous ses enfants dans des familles d'acceuil temporaires. Ces familles ne pouvant qu'acceuillir un nombre limité d'enfants, mon père, 6 ans à l'époque, fut placé avec sa plus jeune soeur chez une de leurs tantes, soeur de mon grand-père.

Deux évènement qui n'ont pu être autre-chose que traumatisants pour mon père sont survenus pendant cette période.

Le premier évènement fut lorsqu'une photo fut donnée à mon père. Après l'avoir examinée, mon père dit à sa tante:

"C'est drôle... Je ne reconnaît ni l'emplacement, ni les gens qui sont autour de moi sur cette photo..."

Sa tante éclata alors en sanglots. Confus, il lui demanda pourquoi elle pleurait.

"Ce n'est pas toi sur cette photo. C'est ton père lorsqu'il avait ton âge. S'il pouvait voir à quel point tu lui ressembles, il n'aurait plus de doute sur sa paternité... !"

Et Vlan! C'est ainsi que mon père, à six ans, apprends que mon grand-père est mort en croyant que son fils n'était pas vraiment de lui.

J'sais pas ce qu'ils connaissaient de la psychologie infantile en Allemagne en 1945... mais c'était pas fort ! Mon père avait 65 ans lorsqu'il m'a raconté cette histoire pour la première fois et ses yeux se sont remplis pleins d'eau... Me semble qu'il aurait pu vivre sa vie en ignorant ce détail!

Si je vais en Allemagne un jour, je retrace cette tante en question et je vais aller pisser sur sa tombe !

L'autre évènement marquant fut lorsque ma grand-mère est revenue la première fois. La guerre était finie et elle avait trouvé un endroit où s'établir. Le problème était évidemment les conditions de pauvreté abjecte dans laquelle elle vivait.

Pour pallier à cet état de fait, elle n'a eu d'autres choix que de rapatier ses enfants graduellement. D'abord les aînés qui pouvaient l'aider et ensuite les filles en priorité. Lorsqu'elle est repartie, elle n'a ramené que sa fille, laissant mon père complètement seul dans cette famile d'acceuil.

C'est logique et compréhensible comme stratégie.

Cependant, on peut aisément imaginer comment un petit garçon de six ans peut se sentir lorsqu'il réalise qu'il est le dernier que sa mère viendrait ramener au bercail.

(À suivre...)

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Encore une fois, il va faloir aller dormir sans connaître la suite! Mais tu as au moins un (et je dirais trois car il y deux autres lectrices intéressées selon moi!) lecteur qui va suivre cette histoire avec grand intérêt.

Ce qui me frappe dans tout ça c'est la différence entre ton grand-père et le mien. Grand-papa n'a pas fait la guerre. Étant plus jeune, il s'est fait ruer en plein visage par une picouille. Résultat, il a perdu l'usage d'une oreille le choc ayant déchiré le tympan ou quelque chose du genre.

Pour moi la guerre n'est qu'un vieux film n'ayant eu aucun impact direct sur ma famille. Ça semble tellement loin.

Mais pour ton grand-père, ton père et toi (par extension au moins) tout est tellement différent.

Cette histoire me semble presque irréelle et pourant. Elle a bien eu lieu. Ça fait aussi peur de penser qu'il n'est pas impossible que nous vivions des temps difficiles avant de passer de l'autre côté. Nous devons admettre que nous l'avons eu pas mal facile ici au Québec... pour la majorité. Pas de grande guerre, pas de crise économique... notre génération ne connaît pas la vraie misère. Que se passera-t-il si jamais tout devais s'effondrer...

Ouan... j'divague là! M'enfin... à quand la suite???

Lady_Marian a dit…

«Pour moi la guerre n'est qu'un vieux film n'ayant eu aucun impact direct sur ma famille. Ça semble tellement loin.» -Fantôme Gentil

Voilà exactment les mots que je cherche depuis quelques années pour exprimer comment je me sens....J'ai tellement lu de bouquin sur le sujet....

Ceci dit, c'est effectivement «wierd» de connaître quelqu'un pour qui cette guerre a vraiment influencé sa destinée...

Lady !

Chantal a dit…

J'ai la chair de poule. Toute une histoire de vie .

Sailor a dit…

"Ça fait aussi peur de penser qu'il n'est pas impossible que nous vivions des temps difficiles avant de passer de l'autre côté. Nous devons admettre que nous l'avons eu pas mal facile ici au Québec... pour la majorité. Pas de grande guerre, pas de crise économique... notre génération ne connaît pas la vraie misère. Que se passera-t-il si jamais tout devais s'effondrer ?
-Ghost

L'humain est résilient et les québécois sont tout de même les pas si lointains descendants de gens solides et courageux. Ultimement, on survivrait...

Mais, c'est sûr, un phénomène de "sélection naturelle" aurait lieu et on "perdrait" (pas une grosse perte!) pas mal de "bois mort" de notre Société en chemin !

J'peux te dire que, lors de la Crise du Verglas, tous les amis hongrois de mon père se sont bidonnés à voir comment bon nombre de québécois ont réagi. Eux qui avaient vécu la misère noire, cette "crise" ne faisait même pas un "blip" sur leur radar de la Vie !

Je vais l'avouer, j'étais gêné d'être québécois par moments lors de cette période.

Anonyme a dit…

La crise du verglas n’était qu’une répétition de ce qui pourrait nous arriver. T’imagine si quelqu’un faisait sauter des pilonnes d’Hydro tout près des centrales? Là ça serait le chaos! C’est sûr qu’on trouverait peut-être de l’aide de l’Ontario mais si ça devait être grave… pas sûr que tout le monde aurait du courant.

Je me garde bien d’être alarmiste, on vit dans une société très différente depuis 2001 et une telle menace est bel et bien une possibilité. Est-ce qu’on est prêt? Je doute, je doute!

Karla a dit…

Voila! Non seulement Ghost a resumé ma pensee pour ce qui a trait de ce qui me touche ou pas mais Sailor resume mon etat lors de la crise du verglas.
Je n'ai pas connu la misere noire de la guerre mais la pauvreté quand meme. Si bien que je me trouvais gras dur de manger de la fondue, de la raclette et griller des petites choses sur une plaque de marbre! Je crois que la plupart des gens s'ils savaient la douleur d'un estomac qui a faim...ca aurait franchement moins chiauler!!!

Tra_la_la a dit…

ca fait des semaines que j'attend la troisieme partie...dis moi pas que tu nous fait le coup des mini séries, tu vas nous présenté le punch a la prochaine saison? grrrr ;o))))

Anonyme a dit…

Bonjour !
Suis tombée ici par hasard à l'instant. J'ai hâte que tu en arrives au coeur de l'histoire, c'est-à-dire toi !
Au plaisir.

Plume a dit…

J'attend de savoir la suite moi aussi...

Si.

karine a dit…

Bonjour

je suis journaliste pour les émissions de Jean Luc Delarue. Pour une prochaine émission je prépare un thème concernant les relations père et fils. Je viens de lire votre blog. Est-il possible que lon se contacte?
Cordialement
Karine
01 53 84 29 56 kchevalier@reservoir-prod.fr